Transformer le Jardin du roi en un Muséum national : à l’occasion du bicentenaire de la mort du jardinier-académicien, André Thouin (1747-1824)

André Thouin, buste en ronde-bosse du XVIIIe siècle, Société de l’École française (Paris), s.n., s.l. Source : Muséum national d’histoire naturelle, direction des bibliothèques et de la documentation.

Le 27 octobre 1824, André Thouin s’éteint dans son logement du Jardin des Plantes. Deux jours plus tard, il est enterré au Père-Lachaise dans le caveau familial. Comme il est d’usage de commémorer l’œuvre des grands hommes, nous profitons de l’occasion d’un hasard de date pour célébrer la mémoire d’André Thouin qui, d’abord jardinier en chef du Jardin du roi puis professeur de culture du Muséum d’histoire naturelle, a entièrement dédiée sa vie à l’institution.

Né au Jardin royal en février 1747, Thouin est formé très jeune aux techniques du jardinage par son père Jean-André Thouin (1710-1764), jardinier en chef du Jardin depuis 1745. Alors que Thouin n’a pas encore 17 ans quand son père décède en janvier 1764, Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), intendant du Jardin royal depuis 1739, lui réserve le poste de jardinier en chef sur les conseils de Bernard de Jussieu (1699-1777), sous-démonstrateur du cours de botanique du Jardin du roi. Responsable de la direction des jardiniers et de l’entretien des cultures, Bernard de Jussieu prend sous son aile le jeune jardinier, désormais charge d’une famille nombreuse, et parfait son éducation en science botanique et en la pratique de l’herborisation. Au décès de Jussieu, Thouin hérite d’une partie des correspondants avec lesquels le sous-démonstrateur entretenait des relations d’échanges de plantes et de graines et que Thouin va développer au fil des ans.

Dans les années 1770, quand Buffon se lance dans une politique d’achats de propriétés mitoyennes au jardin, l’intendant, souvent en déplacement sur ses terres de Montbard, s’adjoint le jardinier qui endosse tour à tour l’habit de régisseur, de conducteur de travaux, de comptable et de mandataire auprès des hommes de lois, tout en poursuivant l’enrichissement des collections végétales conservées dans les serres ou cultivées dans le jardin. Par son expérience aux côtés de Buffon, Thouin acquiert à la fois une maîtrise des rouages institutionnels et un réseau parmi les hommes politiques influents.

Encouragé par Buffon, par Louis Jean-Marie Daubenton (1716-1799), garde du cabinet d’histoire naturelle du Jardin du roi, et Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes (1721-1794), alors secrétaire d’État de la Maison du roi, Thouin se présente à l’Académie des Sciences et est élu associé botaniste le 10 mars 1786. Par son titre d’académicien, il dépasse sa condition modeste sans pour autant renier sa noble ascendance de jardiniers.

À la disparition de Buffon en avril 1788, Thouin, dont la notoriété a dépassé les frontières, se considère comme le dépositaire de l’entreprise menée par l’intendant d’étendre la gloire de l’institution dans le monde savant. Il devient alors le personnage incontournable avec lequel les deux derniers intendants du Jardin du roi doivent coopérer : le militaire Auguste-Charles-César de Flahaut, marquis de La Billarderie (1724-1811) et le littérateur Jacques-Henry-Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814).

Notre intervention porte sur le rôle joué par André Thouin au cours des derniers moments du Jardin du roi, entre le décès de Buffon et la fondation du Muséum d’histoire naturelle en juin 1793.

Laurence Lippi (Centre Koyré UMR 8560, EHESS)

Ouvrages de référence

Joseph-Philippe-François Deleuze, Histoire et description du Muséum royal d’histoire naturelle : ouvrage rédigé d’après les ordres de l’administration du muséum, Paris, Chez M.A. Royer, 1823.

Ernest Théodore Hamy, « Les derniers jours du jardin du roi et la fondation du Muséum d’histoire naturelle » dans Centenaire de la fondation du Muséum d’histoire naturelle, 10 juin 1793-10 juin 1893 : volume commémoratif publié par les professeurs du Muséum, Paris, Imprimerie nationale, 1893, p. 3‑162.

Yvonne Letouzey, Le Jardin des plantes à la croisée des chemins avec André Thouin, 1747-1824, Paris, Éditions du Muséum, 1989.

Emma C. Spary, Le jardin d’utopie : l’histoire naturelle en France de l’Ancien Régime à la Révolution, Paris, Publications scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle, 2005.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
objethistoire (27 août 2024). Transformer le Jardin du roi en un Muséum national : à l’occasion du bicentenaire de la mort du jardinier-académicien, André Thouin (1747-1824). Muséum, objet d'Histoire. Consulté le 15 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/127at